Quel calme. Le domaine était paisible. Les deux hommes étaient là, assis en tailleur, l'un devant l'autre, les mains jointent. Une sorte de méditation de transe. Rien ne semblait pouvoir perturber leur sérénité. Depuis combien de temps étaient-ils ainsi immobile ? Des heures peut-être... Des heures entières à abandonner leur vue pour outrepasser la limite de cette-dernière. Oublier ce sens pour décupler les autres. Ouïe, odorat, toucher... Entendre le ruissellement de cours d'eau se trouvant à plusieurs centaines de mètres. Sentir l'odeur de cette carcasse méconnaissable prise d'assaut par les charognards dans le canyon à l'autre bout du village. Percevoir l'envol de cet oiseau perché sur le toit du dojo, juste au vibration de l'air. Un entraînement afin d'affiner chacun des sens. Le quotidien de tout Morumazumaki. Sajin s'y était enfin plié, suite à sa promesse et à l'accident. Calmer ses ardeurs. Réfréner son "besoin" de mise en danger. Il aurait pu se retrouver dans le même état qu'Irohime...pire encore peut-être. Sur son torse était encore visible la cicatrice de la plaie béante causée par un cimeterre gigantesque. Quoiqu'il en soit, sa mère et son père s'étaient mis en tête de l'empêcher de se montrer de nouveau aussi suicidaire, même pour protéger autrui. Quelque chose d'impensable pour lui, il le refusa en bloc... au début. Jusqu'à ce sa fiancée soit impliquée. La culpabilité. C'est ainsi qu'Orichi le poussa à suivre le chemin traditionnel des Morumazumaki et a intégré la Brigade Kinkaku... En quelques mois, il en prit la tête, ne retournant jamais véritablement au front.

Orichi rouvrit les yeux bien avant lui, observant le corps marqué de son fils. Il ne pouvait imaginer la douleur engendrée par chacune de ses blessures. Il se leva lentement, afin de ne pas rompre le la concentration de Sajin. « C'est bientôt l'heure, n'est-ce pas ? » demanda-t-il ressentant le mouvement de son paternel. Ce-dernier afficha un sourire discret. « Oui, tu devrais te dépêcher et ne pas faire attendre le Maître Raikage ». Le jeune homme ouvrit alors les yeux et se releva à son tour, saisissant et enfilant le vêtement posé à côté de lui. « Je ne serait pas en retard, il vient à peine de quitter ses quartiers ». Ses capacités de senseur n'étaient plus à démontrer, et cela même si pendant longtemps il n'en avait pas fait l'usage conventionnel... Il était devenu capable de ressentir une présence sur plusieurs kilomètres à la ronde, ne manquant ainsi pas au nom de son clan. Il avança alors vers les portes du domaine, saluant brièvement son père avant de se mettre en route vers les portes du village.

Un départ en mission. Il s'en allait relever l'une des équipes de la brigade, à la frontière du pays... non loin de l'Empire. La surveillance des frontières étaient l'une des missions principales de la division. Avertir au plus vite les hautes instances militaires et administratives du pays d'une quelconque invasion ou de n'importe quel événement rapportable pouvant être une menace. Avec la paix, les incidents de ce type étaient mineurs, et plutôt rare. Néanmoins, Sajin restait vigilant. Le Sekai avait été ébranlé, la paix fragilisée... il craignait que les ambitions des autres nations ne prennent le dessus sur cette dernière. Il s'incombait à lui-même de la maintenir, et fort heureusement, le Raikage récemment nommé semblait partager cette vision des choses. Les deux hommes n'avaient guère eu le temps de discuter ou même de se croiser. Ce voyage, ils le feraient ensemble. Même si Sajin pouvait se poser la question de la raison poussant le chef du village à s'aventurer aussi loin du village pour une simple relève,... il profiterait de l'occasion pour lui faire part de ses doutes et ses craintes... et surtout s'assurer qu'ils ont bel et bien un objectif commun. Plus que tout, le Morumazumaki voulait éviter une nouvelle guerre.

Il ne lui fallut pas longtemps pour rejoindre les portes. Son compagnon pour ce voyage était déjà là, attendant son arrivé. Sajin s'avança, arborant fièrement le blason de son clan sur sa veste, et s'annonça. « Bonjour Maître Raikage , il s'inclina brièvement en guise de salutation. C'est un honneur pour moi de faire ce voyage avec vous.» Il marqua une courte pause, faisant quelques pas pour se mettre à la hauteur de son supérieur pour enfin demander : « Si vous me le permettez, je souhaiterai que nous nous mettions en route le plus rapidement possible. Nos hommes doivent être fatigués et certain n'ont pas vu leur famille depuis plusieurs semaines »  . Comme à son habitude, Sajin se montrait particulièrement attentionné vis-à-vis de ses camarades et de leur bien être. La porte était grande ouvert et n'attendait plus que le départ des deux hommes.   

Nodokana Shizen. Un homme aux allures de moine... ou plutôt un moine aux allures d'homme. De ses pores émanaient un voile mystérieux, quelque chose d'insondable, d'incompréhensible. Qui était-il réellement ? Très peu d'informations circulaient à son sujet. L'on savait pour son rôle de Conseiller du Raikage, mais avant cela ? Le Sage était un mystère. Pourtant, il avait succéder au précédent Raikage. Une bonne chose finalement. Les ambition de Shizen semblait bien plus proche des aspirations de Sajin. La paix. Une idée commune, du moins sur le papier. Un mot. Un mot au sens divergeant selon les individus. Une simple notion que l'on pouvait définir de bien des manières et pour laquelle l'on pouvait ouvrer, là-aussi, de bien des façons. Le jeune homme avait la sienne. Une version bien discutable de la chose, mais il y attaché une importance capitale. Sa vie était régie de principes moraux auxquels il ne s'imaginerait dérogeait. Une paix "saine" et "propre". Cette question le tourmentait... depuis ces événements. Depuis que cette paix si fragile avait été ébranlée. Les Hommes saurait-ils laisser leurs ambitions de côté et participer au renforcement de cette dernière ? Serait-il lui-même capable de la maintenir ? Kumo ferait-elle le nécessaire pour cela ? Le Raikage, engagerait-il les moyens suffisants pour y parvenir ? Pour cela, un simple regard ne suffisait pas, non...

Depuis combien de temps marchaient-il côte à côte maintenant ? Plusieurs dizaines de minutes peut-être. Ils évoluaient dans le silence vers la frontière. L'Ombre de la foudre semblait sereine, confiante, avançant sans même regarder devant lui. Sajin, lui, marchait les yeux rivés vers le ciel, observant la valse des cumulus. Au loin, ces-derniers étaient bien sombres. Le présage d'un déluge prochain. Visiblement les deux "compagnons" ne seraient pas épargnés. Ils étaient encore à quelques dizaines d'heures de marche du poste de surveillance. Shizen rompit le silence, l'interrogeant alors sur les capacités de son clan. Le jeune Morumazumaki ramena son regard un bref instant sur le mystérieux homme, qui n'avait toujours pas ouvert les yeux. Le jeune homme ne prétendait pas être la meilleure personne pour parler des techniques de sa famille... pendant longtemps il s'en était tenu à l'écart pour en faire un usage bien moins conventionnel que ne l'aurait voulu son père. Ce-dernier aurait été plus à même d'apporter des informations historiques et précises. Sajin ne se leurrait pas, le Raikage connaissait les compétences de son clan, au moins dans les grandes lignes... cette question n'était certainement là que pour engager une discussion.

« Disons que là-où la plupart des senseurs s'attachent à la trace particulière que laisse le flux, les Morumazumaki s'appuie davantage sur la perception que l'on a de l'environnement via nos sens primaires. Ouïe, Odorat, Vue et le Toucher... le Goût aussi, même si son application est bien plus rare pour un shinobi. »

Il restait assez évasif sur les applications qu'il pouvait en faire. Depuis son intégration et sa promotion au sein de la brigade Kinkaku, Sajin n'était plus vraiment envoyé sur les fronts, là où - selon lui - était sa place. Faire face à l'ennemi, prendre les coups pour les autres, tenter de mettre fin à des affrontements idiots. Néanmoins, il en a fait la promesse. A sa mère, à son père,... et à elle aussi. Il serait là pour son réveil. Et si possible, dans le Meilleur des Mondes.

Les montagnes n'étaient plus très loin. Encore quelques kilomètres. Les nuages, eux, s'avéraient bien plus rapide. Au loin l'on pouvait déjà apercevoir des pluies diluviennes s'abattre ici-bas. Ils seraient trempés, à n'en pas douter. Plutôt que de se terrer dans le silence, Sajin prit la décision d'être direct et d'obtenir des réponses.  

« Maître Raikage... puis-je vous poser une question ? demanda-t-il avec le respect qu'on lui connaissait tant. Il n'attendit cependant pas d'approbation. Pensez-vous que les autres nations feront le nécessaire pour sauvegarder la Paix ? La mort du Tribun,... les accusations,... les réactions et les tensions... j'ai un mauvais pressentiment, et je crains que l'avidité et les ambitions de certains ne prennent le pas sur ce que nous avons construit aux prix de nombreuses vies... »

A n'en pas douter, le jeune homme faisait aux allusions à toutes ses longues périodes de guerre sanglantes et inhumaines que le monde avait connu avant l'établissement d'une paix "durable". La mort de Muroshoshi avait sans nul doute attisée des flammes jamais réellement éteintes.